Quelques mois après l’incident du 13 avril 1975, au cours duquel des civils palestiniens furent mitraillés par des miliciens phalangistes, le bilan est des plus tragiques : six mille morts, vingt mille blessés, des rapts incessants, une capitale semidétruite. Ce film retrace les origines du conflit libanais, la perception d’une société qui part à la guerre en chantant.

Document unique sur la guerre civile libanaise.

Distribution

Réalisation : Jocelyne Saab
Journaliste : Jörg Stocklin
Image : Gérard Simon, Hassan Naamani
Son : Marc Mourani, Michel Beruet
Montage : Philippe Gosselet, Marie-Jeanne de Susini
Production : Jocelyne Saab
Droits de diffusion : Association Jocelyne Saab

Jocelyne Saab s’exprime…

« À l’époque où j’ai commencé à travailler comme cinéaste indépendante, après avoir travaillé pour différentes télévisions (française, libanaise), comme une sorte d’apprentissage, a démarré la guerre du Liban (1975). Je savais alors déjà que c’était à la fois la fin d’une époque et celle d’un pays, et j’ai voulu raconter cela en prenant une voir qui n’était absolument pas une voie militante, même si certains ont dit qu’elle l’était, peut-être par ma propre maladresse. Je ne crois pas aux films militants car ils s’adressent à une catégorie de personnes déjà convaincues et moi, je voulais m’intéresser à des catégories plus vastes.

Après avoir tourné en Irak, en Égypte, en Syrie pour la télé française, j’ai réalisé en 1975 un long-métrage sur le Liban, Le Liban dans la tourmente, avec comme point de départ l’idée de donner la parole à tout le monde. Je l’ai fait sans beaucoup d’expérience technique car je n’ai jamais fait d’école de cinéma et que mon travail est toujours très intuitif. Après 1968, après l’échec des militantismes, mon départ a donc été autre. Mais très vite, je me suis rendue compte que j’étais impliquée dans cette guerre et que je ne pouvais pas ne pas me situer, sans pour cela être, je le crois, et c’est peut-être contradictoire, partiale. (…) La volonté que j’avais de passer à la télé, de toucher par là beaucoup de monde, a fait que j’ai plutôt fait porter mon travail sur le traitement de l’image, ce qui dépassait de beaucoup, en force, le film militant. »

Propos recueillis par Nicole Brenez à Paris en 2015

Note d’intention

« Tourné pendant une période d’accalmie, entre le 1er août et le 8 septembre, Le Liban dans la tourmente se présente comme un reportage-documentaire : tendant à expliquer l’origine d’un combat fratricide, dont les causes profondes sont, de l’avis de ses auteurs, Jocelyne Saab et Jorg Stocklin, essentiellement sociales et institutionnelles. Et sans doute cette orientation précise, qui va à l’encontre des idées généralement reçues et acceptées en Occident, constitue-t-elle la principale originalité de ce reportage. Guerre de religion, le conflit qui divise les Libanais ne l’est en effet qu’au premier degré et dans la mesure même où l’état libanais, en imposant à ses citoyens d’inscrire une appartenance religieuse sur leurs cartes d’identité, leur impose du même coup une auto-discrimination. Mais au-delà de ce cloisonnement établi par des institutions archaïques et assuré tant bien que mal par les libanais, chrétiens et musulmans, au-delà de ces apparences manichéistes, combien d’autres réalité, aussi diverses que méconnues n’ont-elles pas nourri ce conflit… »

Jocelyne Saab et Jorg Stocklin

Revue de presse

« Tourné avec de très petits moyens, Le Liban dans la tourmente ne s’embarrasse pas des coquetteries esthétiques. Son seul but est d’’informer. Il y réussit parfaitement. »

Télérama, 10 décembre 1975

« Plus qu’un simple documentaire, c’est une tentative d’explication de ce combat fratricide ».

France Soir, 9 décembre 1975

« Le documentaire qu’il faut avoir vu pour comprendre la crise libanaise. Pour s’expliquer, non seulement les problèmes économiques et sociaux du pays, mais aussi ses affrontements religieux et politiques. Pour comprendre comment, soucieuse de conserver sur les musulmans une primauté arbitraire, la droite chrétienne fait entraîner une de ses nombreuses milices armées par un ex-tueur français d’Indochine et d’Algérie. Pour savoir comment survivent dans leurs camps les réfugiés palestiniens et comment la misère pousse des déshérités libanais à la violence […] Un documentaire passionnant et instructif. »

Le Canard enchaîné, 10 décembre 1975

« Les auteurs ont fait mieux que de fournir une interprétation de la crise : ils nous soumettent un dossier, nous livrent les témoignages des principaux protagonistes de la guerre civile. Chrétiens et musulmans, progressistes ou conservateurs, bourgeois, prolétaires, intellectuels, exposent leurs thèses respectives, nous disent pourquoi ils ont pris les armes, confient leurs angoisses, leurs espoirs et leurs objectifs. Une mosaïque de la société libanaise pulvérisée par l’explosion populaire est ainsi reconstituée sous nos yeux […] Le Liban dans la tourmente a surtout le mérite de situer le conflit confessionnel dans son véritable contexte. […] Le fond du débat, tel qu’il transparait dans le film, oppose partisans et adversaires du statu quo politico-social, les uns et les autres, s’appuyant sur des amitiés ou des complicités étrangères. […] [Le reportage nous vaut] des images imprégnées d’une poignante poésie. »

Le Monde, 2 décembre 1975