Jocelyne Saab se rend en Égypte pour dresser un portrait du Caire, « mère du monde », dont elle cherche les racines. Alors que Beyrouth, sa ville, tombe en ruines, elle va chercher dans la Cité des Morts les traces d’une manière de vivre et de traditions en train de disparaître, lui aussi, sous les coups de la mondialisation.

Distribution

Réalisation : Jocelyne Saab
Image : Hassan Naamani
Son : Juan Pablo Molestina
Montage : Philippe Gosselet
Musique : Cheikh Imam
Interprétation : Cheikh Imam, Azza Nagm
Parolier : Ahmad Fouad Nagm
Production : Jocelyne Saab
Droits de diffusion : Association Jocelyne Saab

Jocelyne Saab s’exprime…

« J’ai eu besoin de m’éloigner un peu. Alors j’ai fait ce film sur l’Égypte. Encore une fois, j’ai travaillé avec ma sensibilité, puisque l’autre
titre « Chaque année en janvier » est un poème de Cheikh Imam à l’Égypte souffrante. Ce film est passé partout en Europe, tout le monde était ému par ce qu’il n’avait pas l’habitude de voir. Il n’a jamais été présenté là-bas. Ce qui plaît dans ma démarche, c’est que je parle d’un sujet de l’intérieur. Je parle la langue, je suis allée maintes fois dans le pays, je sens le problème que j’aborde. »

Propos recueillis par Maryse Léon et Magda Wassef à Paris en 1978

Note d’intention

« J’ai réalisé ce film en février 1977 à la suite des émeutes des 18 et 19 janvier de la même année. Plusieurs séquences ont été tournées sans autorisation. La gauche égyptienne ayant été sévèrement réprimée, deux des personnages apparaissant dans le film, d’ailleurs, sont actuellement en prison : Cheikh Imam, le chanteur aveugle, et Azza, la femme du poète égyptien Ahmad Fouad Nagm. C’est l’histoire d’un cimetière habité – « La Cité des Morts » – qui s’étend aux portes du Caire et en bordure des décharges publiques de la ville comme un vivant reproche et une mauvaise conscience.
À partir de la Cité, le film montre les quartiers populeux du Caire qui s’hypertrophie, se ceinture de misère, chaque jour plus menacé de paralysie. »

Jocelyne Saab

Revue de presse

« [Jocelyne Saab] nous a dressé un tableau particulièrement sombre de l’Égypte actuelle, bien différent de l’euphorie avec laquelle on nous
présente en ce moment le pays du président Sadate.
Portrait économique de l’Égypte où l’on nous explique que l’aide extérieure que reçoit ce pays est surtout investie dans les biens de consommation au lieu de l’être dans la production, qui seule permettrait de le sortir de son marasme actuel. Et avec un parti pris certain, Jocelyne Saab dresse un parallèle cruel entre une riche réception de mariage dans la grande bourgeoisie cairote et la vie quotidienne du peuple, pour qui la viande n’apparaît sur la table du déjeuner que le jour de la paye, et encore, uniquement quand les dettes ne sont pas trop criantes ! […] Société en décomposition, société en mutation. »

Nord-Éclair, 9 décembre 1977

« Quand la porte tournante du Hilton dégorge ses nantis insouciants, la caméra de Jocelyne Saab explore l’envers du décor et la voix du chanteur aveugle Cheikh Imam dit « ceux qui relèvent la tête » et « la lumière entrant dans les prisons ». Un poème à l’Égypte et à son peuple vibrant de pitié et d’amour. »

Le Monde, 16 février 1978