Ce film a fait l’objet d’une restauration récente.
Cette restauration a été réalisée à partir d’un scan 2K de la copie de travail originale en positif inversible 16 mm et du son magnétique 16 mm conservés aux Archives françaises du film.
Scan image : Adrien Von Nagel – Polygone étoilé/Film Flamme
Scan son : Jean-Philippe Bessas
Restauration image : Adrien Von Nagel – Polygone étoilé/Film Flamme
Restauration son : Monzer El Hachem
Étalonnage: Chrystel Elias – Lucid Post
Coordination, production : Mathilde Rouxel, Jinane Mrad – Association Jocelyne Saab
Versions disponibles : Version française – sous-titrages : français, anglais, arabe, espagnol ; version arabe
Quelques jours après le massacre de la Quarantaine, dans un bidonville à majorité musulmane de Beyrouth, Jocelyne Saab suit et rencontre les enfants rescapés, marqués par les visions horribles des combats qui se sont déroulés sous leurs yeux. En leur offrant des crayons pour dessiner et en les engageant à jouer sous l’œil de sa caméra, la réalisatrice se retrouve face à un constat amer : ils ne connaissent plus d’autre jeu que celui de la guerre, qui, rapidement, devient pour eux aussi un métier.
Ce film, qui dénonce la violence et les massacres, a valu à Jocelyne Saab une condamnation à mort par les phalangistes.
Jocelyne Saab s’exprime…
« Après Le Liban dans la tourmente, je disposais d’une caméra et d’une voiture, j’avais ma maison. C’est vrai que je n’avais pas de problèmes d’argent, sans en avoir beaucoup.Et donc, je prends le chef op’ et je lui dis : allez, on y va! Car j’avais passé la nuit à discuter avec les journalistes qui revenaient de La Quarantaine (le camp de réfugiés qui venait d’être pris par les phalangistes), et j’avais vu la fin du massacre. En plus, j’avais même appris qu’une copine à moi,sans doute influencée par son entourage, s’était amusée à le filmer du côté des tueurs. Ensuite, elle a beaucoup souffert pour d’autres raisons.
Quand le bidonville a été pris d’assaut, beaucoup d’adultes ont été abattus froidement, et une fois le camp de réfugiés conquis, les assaillants ont sabré le champagne,tout près des cadavres. Des enfants ont survécu. Quand ils sont sortis la nuit, je n’avais ni lampe ni rien, mais j’ai suivi le parcours des enfants, pour savoir où ils allaient car ils ne pouvaient plus rejoindre le bidonville de La Quarantaine qui venait d’être rasé et leurs parents avaient été exécutés. J’ai vu qu’ils allaient dans les chalets des plages chics de la ville,Saint Simon, Saint Michel, qui sont devenus des bidonvilles qui existent encore aujourd’hui.
Donc, j’achète du papier, des crayons de couleur, et je vais à leur rencontre, dès le lendemain. Le temps d’appeler mon chef op’ de la télé, Hassan, qui travaille avec moi, je leur dis : je viens vous filmer dimanche, vous me montrerez vos jeux d’enfants. Et ils jouent à la guerre, sur la plage,mais cela devient vite très violent, tellement que je suis obligée de leur dire d’arrêter de jouer et je dois en amener deux à l’hôpital, pour se faire recoudre, car ils s’étaient blessés. Ensuite, on revient. Et c’est là que j’ai le moment le plus fort. Ils étaient un peu penauds, car trois des leurs avaient été blessés, mais c’était comme s’ils ressortaient la violence environnante qu’ils avaient reçue et accumulée en eux, n’oublie pas qu’ils sortaient d’un massacre. Je les retrouve entre les chalets disposés comme un petit village chic et je leur propose de continuer à tourner. Et là, les enfants blessés et traumatisés par ce qui venait d’arriver se libèrent et miment le massacre. Et je le filme.
Je garde précieusement mes boîtes, je prends le premier avion pour Paris, fonce à la télévision. A l’époque on faisait comme ça : soit on développait en douce à la télé parle biais de gens qui étaient nos copains, soit on suivait la procédure traditionnelle, ce que j’ai fait cette fois-là. Cette fois-ci je savais que j’avais du costaud. Je vais voir mon rédac’ chef (Jean-Marie Cavada) et je lui dis : « développez la pellicule 16mm, regardez les images, et si ça vous plait,je monte le film ». Ils développent, n’en reviennent pas, me donnent une monteuse qui travaille dans le style télé. Et au fur et à mesure, des journalistes passent dans la salle de montage et me demandent si j’ai mis en scène les enfants.Comment aurais-je pu faire ça ? »
Propos recueills par Olivier Hadouchi à Paris en 2012.